Filière R.E.P. et réemploi: la fin des récups de vélos pour les ateliers associatifs?

Mais d’abord, qu’est-ce que c’est la REP?

Initiée en 1979, la Responsabilité Élargie du Producteur a pour but de faire contribuer les entreprises qui mettent sur le marché des produits manufacturés (et futurs déchets) à la mise en place du réemploi et du recyclage [1],[2].

Depuis la loi anti-gaspillage et économie circulaire adoptée en février 2020, les vélos sont aussi concernés dans la filière dite “Articles de Sport et de Loisirs” (ASL).

C’est donc une bonne nouvelle pour les ateliers vélos participatifs ?

Hélas, la réponse penche plutôt vers le “non” pour le moment. Dans les décrets de mise en application des filières de réemploi, l’Etat confie à des éco-organismes, structures qui regroupent les entreprises de production et la grande distribution [3], le pouvoir de fixer seules les modalités du réemploi, en se désengageant de son rôle de régulation.

Après plus d’un an de négociations, les structures associatives du réemploi sont laissées seules face aux éco-organismes, qui n’ont pas intérêt et vocation à favoriser le réemploi et la solidarité, mais plutôt à servir les intérêts des entreprises. Les fédérations du réemploi solidaire, dont l’Heureux Cyclage, le réseau des ateliers vélos participatifs, ont dénoncé ce mécanisme qui pourrait profiter à des structures qui ne voient que le côté lucratif du réemploi, en lui amputant son rôle social [4].

Dans le cas des vélos, l’article de Fabien Ginisty (Âge de Faire, Mars 2022) présente clairement le marché de dupes auquel sont confrontés les ateliers vélos participatifs (article à écouter ici).

Concrètement, sur le territoire de la Métropole de Lyon, nous observons l’arrivée d’acteurs et d’actrices pour qui le réemploi est avant tout un secteur porteur, que ce soit dans l’économie marchande [5] ou dans le secteur associatif [6]. Les ateliers participatifs, bien qu’ayant oeuvré initialement à leurs mises en place, se voient mis à l’écart de collectes de vélos (auprès des collectivités ou de gros magasins de vélos) au profit des grandes structures.

Réemployer sans se faire récupérer?

Comme le souligne Delphine Corteel dans sa conclusion [6], l’activité de réemploi, dès lors qu’elle perd son aspect véritablement solidaire et qu’elle devient dépendante des subventions, ne fait qu’apporter de l’eau au moulin du capitalisme:

« Réemploi » peut donc être considéré comme un label qui désigne une activité de récupération considérée comme non-rentable, peu technique, intensive en main-d’œuvre peu payée et précaire, mais aussi bénévole, qui récupère des objets et/ou des matériaux usagés, les remet en circulation et pour lesquels il faut parfois inventer une demande. En collectant les encombrants et en détournant du flux des déchets une (petite) partie des objets et matériaux « suspects d’utilité », ce secteur massivement subventionné vient suppléer le service public de collecte et de traitement mais dans des conditions de salaire et d’emploi telles qu’il semblerait plus juste de parler de la mise sous tutelle d’un contingent toujours plus important de surnuméraires du capitalisme que d’une « deuxième chance ».

Soyons vigilant·e·s et séditieu·x·ses pour ne pas manger de ces croquettes-là! 🙀

Mais alors, c’est fini les récups de vélos pour les ateliers?

Sûrement pas! La quantité de vélos jetés est considérable, de l’ordre de 1,5 millions par an en France !! [7] La faute revient en grande partie au modèle consumériste qui incite à acheter des produits jetables de mauvaise qualité, modèle porté par les industries et la grande distribution, qui profitent en sus de leurs propres futurs déchets via la REP. En donnant un vélo à Décathlon, Carrefour et consorts (avec un séduisant bon d’achat à la clé), on participe à la perpétuation de ce système.

Nous encourageons donc au maximum les dons de vélos “en direct” à l’atelier et nous nous déplaçons avec plaisir pour venir collecter les vélos abandonnés dans les garages, caves et autres parties communes d’immeubles. Dans ce cas, n’hésitez pas à nous contacter (contact@chatperche.org), et avec l’accord de la copropriété, nous viendrons les récupérer à l’aide de nos superbes remorques.

Sources

[1]: https://fr.wikipedia.org/wiki/Responsabilit%C3%A9_%C3%A9largie_du_producteur

[2]: https://www.ecologie.gouv.fr/cadre-general-des-filieres-responsabilite-elargie-des-producteurs

[3]: https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89co-organisme

[4]: https://www.laressourceriedelile.com/blog/tribune-l-etat-ne-doit-pas-abandonner-la-gestion-des-dechets-au-prive

[5]: https://reporterre.net/Scop-insertion-tri-des-dechets-et-conditions-de-travail-indignes

[6]: https://www.cairn.info/revue-mouvements-2016-3-page-107.htm

[7]: https://www.heureux-cyclage.org/pre-etude-sur-les-filieres-locales.html

https://reporterre.net/Scop-insertion-tri-des-dechets-et-conditions-de-travail-indignes