L’Atelier du Chat Perché participe à la mobilisation animée par le collectif Habitons Mazagran qui demande à ouvrir une réelle concertation autour du projet immobilier prévu entre les rues Bechevelin, Salomon Reinach, Jangot et Robert Cluzan.
Le Chat Perché et ses adhérent·e·s sont directement concerné·e·s par ce projet : l’atelier fait partie des bâtiments promis à démolition. Cela nous obligera à fermer l’atelier actuel au printemps prochain.
A la suite de la dernière réunion publique (le 16 octobre), le collectif Habitons Mazagran publie une lettre ouverte pour interpeller les élu-es et tou-tes les Lyonnais-es, que tu trouveras ci-dessous et en téléchargement ici.
Pour soutenir le collectif Habitons Mazagran, tu peux :
- Faire circuler la lettre ouverte partout autour de toi et à tous tes contacts
- Venir le lundi 19 novembre, à 18h30 pour un apéro du collectif Habitons Mazagran, dans les locaux du Chat Perché, sur le thème de comment avez vous envie d’aider le collectif (petits et gros coup de mains acceptés)
- Continuer à faire circuler la pétition
Lettre ouverte du Collectif Habitons Mazagran
Lyon, le 7 Novembre 2018
M. le Maire de Lyon, M. le Président de la Métropole, Mme le Maire du 7ème arrondissement, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les commissaires enquêteurs sur le PLU-H
Aux habitant. es du 7e.
À tous les Lyonnais. es
UN PROJET CONTROVERSÉ
À Lyon, au cœur de la Guillotière, le nouveau PLU-H entérine la démolition de l’intégralité du patrimoine industriel de l’îlot Mazagran (situé entre les rues Jangot, Béchevelin, Salomon Reinach et Capitaine Robert Cluzan). Le dernier îlot composé en majorité de bâtiments d’activité du 7e arrondissement de Lyon au nord des voies ferrées va disparaître et, avec lui, l’idée même d’une ville multiple et populaire.
Le projet entend privatiser un îlot qui était pourtant destiné depuis 2005 à devenir un espace public : décrit en tant qu’emplacement réservé (ER) sur le PLU actuel, l’ER disparaît pourtant dans le futur PLU-H, laissant place à un îlot de logements en couronne, relevant du secteur privé et social, quelques commerces, une crèche et un petit terrain de sport.
La forme urbaine choisie fait table rase de l’histoire plutôt que de chercher à la poursuivre et à la réinterpréter. Ces démolitions/reconstructions sont en rupture totale avec le besoin impérieux de réfléchir à des pratiques limitant le réchauffement climatique et favorisant le vivre-ensemble.
La taille des immeubles projetés, tant en hauteur qu’en épaisseur, est en rupture avec les caractéristiques et l’histoire de la Guillotière. Le cœur d’îlot accueille un grand espace vert privé, clos, dont la forme n’est soutenue par aucune réflexion sur les conditions de son appropriation. Le projet ne répond pas à la demande réitérée du Conseil de quartier de la Guillotière de créer un cheminement public. Il n’anticipe pas non plus les attentes des habitants du quartier en matière de lieux de compostage, de parkings à vélos sécurisés, d’espaces collectifs et notamment d’habitat collectif.
En créant d’importants parkings en sous-sol, le projet limite les plantations en pleine terre en même temps qu’il plébiscite l’utilisation de la voiture, alors même que métro, tramway et bus sont à immédiate proximité. Ces infrastructures limitent considérablement les possibilités futures de réversibilité, les travaux ultérieurs devenant trop complexes et onéreux.
Le projet tient également très peu compte du besoin réel en locaux d’activités. Il prévoit notamment la destruction de plusieurs lieux d’activités sans solution de relocalisation in situ. L’Atelier du Chat perché, association auto-gérée et en grande partie auto-financée d’autoréparation de vélos, forte de 1 600 adhérents, a un rôle social et écologique. Il est indispensable au quartier et, plus largement, à une ville qui entend construire un futur durable. Deux garages automobiles (un carrossier et un mécanicien) souhaitent continuer à exercer sur place. Aménager le quartier de la Guillotière signifie-t-il commencer par faire table rase des activités qui en font la spécificité et l’attractivité pour ne créer ensuite que des locaux aux loyers inaccessibles sauf aux enseignes commerciales franchisées ?
En maximisant coûte que coûte la surface construite, la hauteur des bâtiments et le nombre de logements, nous reproduisons des erreurs anciennes. À mal densifier le centre-ville, on finit par en altérer l’attractivité : les rues se transforment en corridor sombres, sans vie, sans perspective. L’attractivité d’une ville se mesure t-elle au nombre de ses logements ? Fait-on un projet urbain avec des chiffres ? Que fait-on des habitants, de l’histoire, du contexte, de la géographie et désormais de l’urgence environnementale que nous ne pouvons plus ignorer ? Les chiffres doivent se mettre au service des idées, pas l’inverse. La ville générique et standardisée n’a plus sa place, et certainement pas à la Guillotière.
UN PROCESSUS INADAPTÉ
Le projet a été présenté en 2015 par le Grand Lyon au Conseil de quartier de la Guillotière qui n’a eu de cesse depuis de demander une véritable concertation avec la population. Le plan du projet a ensuite été présenté sous sa forme actuelle (celle que l’on retrouve dans le PLU-H sous la forme de l’Orientation d’Aménagement et de Programmation (OAP) Mazagran) par les élus et le promoteur UTEI lors d’une simple « réunion d’information », le 25 janvier 2018, en mairie. À nouveau, le Conseil de quartier a exprimé des réserves quant au projet proposé.
Le seul moyen d’expression des citoyens sur ce projet précis, qui n’a jamais fait l’objet d’un vrai travail collaboratif avec la population, a finalement pris la forme de l’enquête publique relative à la révision du PLU tenant lieu de PLU-H de la métropole de Lyon, menée du 18 avril au 7 juin 2018. Le collectif Habitons Mazagran a adressé ses contributions (via le café de l’architecture) aux commissaires-enquêteurs, tout comme le Conseil de quartier.
Tout porte à croire que le rapport des commissaires-enquêteurs est une étape importante qui permettra de statuer sur l’acceptabilité du projet.
– Que penser alors de la cession par le Grand Lyon de parcelles de l’îlot à un promoteur privé (UTEI) et un bailleur social (Grand Lyon Habitat), entre avril et septembre 2018, avant même les résultats de l’enquête publique, du rapport des commissaires enquêteurs et de l’approbation du PLU-H ?
– Si rien n’est encore acté, alors pourquoi un concours d’architecture a-t-il déjà été remporté et pourquoi un autre concours est-il en cours d’étude ?
– Comment justifier la présence d’un promoteur aux côtés des élus lors de la réunion d’information organisée en mairie du 25 janvier 2018, puis le 27 juin dernier lors de la réunion publique organisée par le collectif Habitons Mazagran ? Les règlements d’urbanisme sont-ils co-produits avec des acteurs privés qui négocient les possibilités constructives des terrains dont ils s’apprêtent à devenir propriétaires ?
Devons-nous en conclure que les outils actuels de fabrique de la ville favorisent un processus décisionnel de l’entre soi, où les « sachants » spolient la population de son droit à la ville ? Nous demandons à ce que les intérêts financiers servent la ville, et non pas fassent la ville. Nous sommes inquiets et nous nous interrogeons sur la considération accordée par la métropole à ses habitant·es et aux processus démocratiques. Un projet d’une telle importance pour le quartier ne peut pas, à nos yeux, se faire sans concertation publique ni participation citoyenne. L’intérêt collectif ne doit pas être écrasé par les intérêts financiers.
UNE ALTERNATIVE HEUREUSE
Que propose le collectif Habitons Mazagran ? Dans un premier temps, nous avons répondu à l’enquête publique en faisant part de nos observations et en dénonçant l’inadéquation du projet et le non-respect des objectifs de l’OAP dans les documents graphiques. Nous avons organisé une première réunion publique le 27 juin dernier à laquelle 170 habitants ont participé. Une deuxième réunion publique organisée par nos soins a suivi le 16 octobre dernier, rassemblant cette fois plus de 200 habitants. Nous avons demandé par une pétition (plus de 780 signatures) le retrait du projet actuel, et la tenue d’une vraie concertation, conformément à nos contributions à l’enquête du PLU-H.
Ces différentes réunions ont eu pour but d’informer le public et d’envisager un aménagement concerté de l’îlot Mazagran. Lors de chacune d’entre elles, le collectif Habitons Mazagran a proposé des alternatives possibles afin de collectivement s’interroger sur le devenir de l’îlot et de susciter le débat. La réunion du 16 octobre, à laquelle M. Loïc Graber (Adjoint au maire de Lyon en charge de la Culture et Adjoint à la mairie du 7e, délégué à l’urbanisme et référant sur l’îlot Mazagran), et M. Michel Le Faou, (Vice-président de la métropole de Lyon délégué à l’urbanisme et Adjoint au maire de Lyon chargé de l’Aménagement, de l’Urbanisme, de l’Habitat et du Logement), ont participé, n’a pas permis de répondre aux problématiques posées. L’échange s’est appesanti sur des détails calendaires et technico-urbanistiques, les élus s’en remettant à la décision des commissaires-enquêteurs. Nous regrettons un manque d’échanges constructifs et démocratiques portant sur la qualité du projet avec l’ensemble des participants.
Un projet d’aménagement de cet îlot est nécessaire et le désir des acteurs et habitants du quartier de participer à l’élaboration d’un tel projet est réel. Quelques bonnes idées émergent de l’OAP Mazagran telle qu’elle existe actuellement : logements à loyer modérés, activités en pied d’immeubles, crèche, terrain de sport. Pour enrichir ce projet, le collectif Habitons Mazagran a soumis aux citoyens rassemblés le 27 juin puis le 16 octobre des projets alternatifs, impliquant notamment :
– Un réaménagement progressif permettant à tous les acteurs de rester sur l’îlot pendant la réalisation du projet.
– Des espaces plantés, qu’ils soient en pleine terre ou en toiture, gérés de manière collective – ce qui suppose de leur donner les proportions justes, à taille humaine.
– La multiplication d’ateliers et et de locaux commerciaux en cœur et en périphérie d’îlot.
– L’engagement de la ville au maintien dans le temps de locaux d’activité aux loyers modérés, assurant leur accessibilité et permettant l’hébergement d’associations comme l’atelier du Chat Perché, de structures comme une école de cirque ou des parkings à vélo.
– Une traversée publique de l’îlot, animée par des ateliers et des jardins.
– Des épannelages prenant en compte l’incidence du soleil et le besoin en nouveaux logements pour parvenir à une densité soutenable.
– La réhabilitation des bâtiments existants afin d’inscrire le projet dans une continuité et de réduire les déchets et le coût énergétique du projet.
– Des échelles de voisinage favorisant les petites unités de logements, à l’image de ce qui préexiste dans le quartier, notamment avec l’inclusion dans le projet d’une ou plusieurs coopératives d’habitation.
– La réversibilité du projet afin qu’il puisse répondre aux enjeux sociétaux de demain.
Si la métropole de Lyon a l’ambition de se comparer aux métropoles européennes par son rayonnement, son attractivité et le caractère innovant de ses choix urbains, elle ne peut plus aujourd’hui se contenter de quelques « grands projets ». Lyon s’enlaidit, ses quartiers perdent leur identité au profit de rues et d’immeubles passe-partout et impersonnels. Le tissu social se délite. Les efforts que déploie la puissance publique en termes d’espaces publics et de qualité de vie sont sapés par la construction de logements peu qualitatifs, sans âme, qui favorisent le turn-over. Les exemples de co-constructions ambitieux sont pourtant nombreux en Europe, mais rares en France et pratiquement inexistants à Lyon. Les formes urbaines générées depuis 20 ans dans notre ville souffrent d’un urbanisme négocié avec trop peu d’acteurs : elles ont conduit à la perte irrémédiable d’une importante part de notre patrimoine industriel. Aujourd’hui, c’est pourtant ce patrimoine et sa réutilisation qui permettent aux villes de se réinventer avec ambition, dans le respect de leur histoire et de leur identité multiple, en collaboration avec leurs citoyens.
Une autre ville est possible : belle, ambitieuse, solidaire et durable.
CONCLUSION
Messieurs Loïc Graber et Michel Le Faou, lors de notre rencontre du 16 octobre dernier, vous nous avez indiqué que le processus du PLU-H était encore inachevé et n’était amendable que dans le cadre des contributions en cours d’analyse par les commissaires-enquêteurs. Leur avis devrait être rendu au cours du mois de décembre 2018.
Or, les mesures déjà prises par le Grand Lyon (anticipation de la cession de parcelles de l’îlot Mazagran à divers acteurs), avant même la publication du rapport des commissaires-enquêteurs et l’approbation du PLU-H, semblent considérablement compromettre la prise en compte de ces contributions citoyennes et la possibilité d’une véritable concertation, appelée de ses vœux depuis des années par le Conseil de quartier de la Guillotière. Lors de notre rencontre du 16 octobre 2018, vous nous avez reproché de ne pas nous être manifestés plus tôt, ce qui a généré de vives contestations. Celles-ci démontrent bien la difficulté de tout un chacun à comprendre et à s’emparer des outils actuels de fabrication de la ville, inadaptés à l’action collective. Vous avez évoqué des marges d’ajustement, concernant la possibilité d’accueillir de nouvelles activités, de repenser les hauteurs bâties et de réfléchir le statut du cœur d’îlot.
L’ampleur de la mobilisation et son assise citoyenne nous incitent à ne pas nous résoudre à la seule discussion de ces « marges ». Nous sommes des habitantes et des habitants du quartier, des citoyennes et des citoyens de la ville de Lyon, des porteuses et porteurs de projets collectifs et durables, des bénévoles investi·es dans des associations locales. Nous sommes des centaines.
Mesdames et Messieurs les élu·es, quand allons-nous nous mettre collectivement au travail ? Quand mettrez-vous une halte à votre projet pour laisser l’espace et le temps à la démocratie de s’exprimer ? L’îlot Mazagran n’est après tout qu’un petit îlot, marginal à l’échelle de la Métropole. Laissera-t-on seulement aux citoyens les marges d’une marge ?
Nous pensons que tout est encore possible : l’OAP peut et doit être réétudiée. Elle est d’ailleurs, d’après le Ministère du Logement et de l’Habitat durable, un outil souple « adapté à la temporalité du projet urbain et capable d’intégrer toutes les modifications auxquelles sont soumis ces derniers, de leur élaboration jusqu’à leur réalisation ». Les outils technocratiques de fabrication de la ville ne sont que des outils, ils ne doivent pas dicter le temps de la démocratie.
Tout peut encore se travailler. C’est pourquoi nous vous réitérons par cette lettre notre appel à une réelle concertation, dont le cadre et les jalons doivent être discutés collectivement. L’École Urbaine de Lyon est prête à concourir à l’encadrement d’une expérimentation, tout est réuni pour faire un projet ambitieux.
Nous avons toutes et tous à y gagner. Arrêtons les tabula rasa, arrêtons de nous contenter de projets qui n’ont ni sens ni portée. Retrouvons du sens à nos engagements d’élu·es et de citoyen·nes, mettons à profit nos compétences. Inventons, innovons, et refusons ensemble une fabrique de la ville qui nous plonge dans un marasme écologique, économique et social. Nous invitons tous les citoyennes et tous les citoyens à nous rejoindre pour diversifier nos actions et construire ensemble cette ville.
Réinventons Lyon demain, en commençant par l’îlot Mazagran.
Mesdames et Messieurs les élu·es, en portez-vous l’ambition ?
Veuillez agréer, M. le Maire de Lyon, M. le Président de la Métropole, Mme le Maire du 7ème arrondissement, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les commissaires enquêteurs sur le PLU-H, habitant. es du 7eme et tous les Lyonnais. es, l’expression de nos salutations constructives.
Le collectif Habitons Mazagran.